La Théorie des Couleurs dans le passé et à l´avenir

Rétrospective critique relative à la théorie des couleurs d´Itten

Le peintre Johannes Itten enseignait à l´école Bauhaus (école d´architecture et d´arts appliqués, fondée en 1919, à Weimar). En 1961, il publia son livre intitulé " Kunst der Farbe " (art de la couleur). Dans ce livre, il présenta un choix des notions courantes de son temps au sujet de la théorie des couleurs. Il s´orienta avant tout à ce que Newton, Goethe, Runge et Hoelzel avaient écrit et pensé.

C´est certainement dû au fait qu´aucune autre source de publication utile, pouvant servir à l´enseignement, ne fut disponible, que ce livre fut traduit en beaucoup de langues étrangères et connut une diffusion mondiale. Depuis, plus d´un tiers de siècle s´est écoulé. Malheureusement, ce livre sert toujours à l´enseignement à la plupart des écoles supérieures, écoles spécialisées, écoles professionnelles et enseignement général. Ce que Itten répertoria, représenta les notions de son temps. Il s´agissait avant tout de concepts d´artistes, relevant de l´intuition.

Tous ceux qui ont effectué des exercices pratiques en suivant les indications d´Itten au sujet du mélange d´un cercle de couleurs, en utilisant ses 3 couleurs de base, ont dû se rendre compte que cela ne fonctionne pas. Créer un violet pur ou un vert pur au moyen de deux de ses " couleurs de base ", s´avère impossible. Autant impossible que de vouloir créer du noir en mélangeant ces trois couleurs. A l´heure actuelle, les déclarations d´Itten sont dépassées. De ce jour, nous disposons de connaissances prouvées. La théorie des couleurs fait partie des sciences naturelles.

Le cercle des couleurs d´Itten

Malheureusement, beaucoup d´écoles de tout genre enseignent toujours la méthode d´Itten. Cet enseignement est faux. Débutons par la critique du cercle des couleurs ci-contre:

En fonction des longueurs d´ondes dans le spectre, la disposition linéaire est l´ordre naturel des couleurs chromatiques pures. La représentation des couleurs de base chromatiques dans un cercle s´oppose à cet ordre naturel, où n´existent que des liaisons en lignes droites (à comparer : Hexagone des différents Types Chromatiques).

Itten désignait les couleurs jaune, rouge et bleu, qui forment un triangle dans un cercle, comme étant des soi-disantes couleurs de base. En réalité, ce ne sont pas des couleurs de base. Il s´agit plûtot de couleurs de synthèse, de couleurs secondaires. Le bleu Itten est un mélange des Couleurs de Base Bleu-Cyan et Bleu-Violet, le rouge Itten est une synthèse des Couleurs de Base Rouge-Magenta et Rouge- Orange. Le jaune Itten se rapproche plus de la Couleur de Base Jaune réelle, mais là aussi, elle contient une petite partie de la Couleur de Base Rouge-Orange.

Les trois couleurs Itten orange, vert et violet, qui forment le triangle qui se trouve à l´intérieur d´un hexagone, n´ont pas été obtenues, comme prétendu, en mélangeant deux couleurs de base Itten. Dans son livre " Art de la couleur ", ces couleurs ont été imprimées á part, en supplément. Dans une certaine mesure, il n´y a que l´orange qui peut être reproduit au moyen du jaune et du rouge Itten. Si on mélange son rouge et son bleu, on obtient une couleur brunâtre ayant une pointe de violet. La synthèse de son bleu et de son jaune aboutit en un vert-olive. La création d´un noir de ces 3 couleurs est tout à fait exclu, un gris foncé peut être obtenu dans le meilleur des cas.

De plus, et contrairement à ce que Itten avait prétendu, l´obtention d´un gris neutre par mélange de deux de ses couleurs complémentaires, s´avère impossible. Les résultats ainsi obtenus sont des couleurs tertiaires chromatiques.

Le cercle des couleurs Itten n´est pas complet. Quelques couleurs chromatiques pures sont totalement absentes. La couleur chromatique Rouge-Magenta n´y figure pas. De même que les Couleurs de Base chromatiques Bleu-Violet, Bleu-Cyan et Vert ne sont représentées que de manière très approximative. L´exactitude du jaune et du rouge-orange laisse à désirer.

Les deux Couleurs de Base achromatiques Blanc et Noir ne figurent absolument pas dans le modèle Itten, alors que celles-ci sont des couleurs initiales d´égale d´importance. L´exposition d´un tel schéma sur fond blanc est une faute didactique. Le fond idéal d´un schéma devrait être un gris moyen, afin de faire valoir les couleurs achromatiques Blanc et Noir.

Itten propose de définir les Couleurs de Base Noir et Blanc comme étant des " non-couleurs ". Cela est absurde. Il est vrai qu´il s´agit de Couleurs de Base achromatiques, mais, de même valeur et de même importance que toutes les autres Couleurs de Base. Elles sont absolument indispensables au système d´ordre logique des couleurs. Il est étonnant que le peintre Itten ignorait ce fait. Pourtant, 150 ans auparavant, ces données avaient déjà été publiées et exposées clairement et en détail par le peintre Philipp Otto Runge.

L´espace-couleur d´Itten

Itten avait choisi la sphère de Runge comme couleur-espace ou solide des couleurs. Runge avait fait publier cette sphère en 1810 à Hamburg, par l´éditeur Friedrich Perthes, dans le livre intitulé " Farbenkugel " (Sphère des couleurs). Cela se passait 150 ans avant l´édition du livre d´Itten " Kunst der Farbe ". Apparamment, pour Itten, la sphère représentait intuitivement la meilleure forme tridimensionnelle. C´est ainsi qu´il pensait pouvoir représenter la multitude des couleurs dans un ordre qui assurait la continuation, dans l´espace tridimensionnel, de son idée du cercle.

Mais, quand Itten publia son livre, Wilhelm Ostwald avait déjà, 40 années auparavant, proposé et élaboré le double cône en tant que espace-couleur. Il avait présenté et travaillé l´ordre méthodologique des couleurs de ce double cône par plans de section. Ce double cône signifiait un progrès substantiel par rapport à l´interprétation tridimensionnelle de la multitude des couleurs. Ostwald savait déjà que le Noir et Blanc étaient des Couleurs de Base d´importance égale. Pour quelle raison Itten ne les a-t-il pas pris en considération ?

Itten ignorait également l´ordre des couleurs établit par Alfred Hickethier. Hieckethier avait utilisé le cube comme espace-couleur et il avait publié un atlas des couleurs. Il publia des plans de section de ce cube en forme de tables de couleurs méthodologiques. De cette manière, il montrait les possibilités de Synthèses Soustractives relatives aux couleurs transparentes jaune, rouge (Rouge-Magenta) et bleu (Bleu-Cyan). La Synthèse des Couleurs de Hieckethier était une étape importante sur le chemin de la présentation adéquate de l´ordre des couleurs. Car dans le cube, les 6 Couleurs de Base chromatiques ne sont plus placées sur la même ligne horizontale, comme cela avait été le cas pour la sphère et le double cône. Dans le cube, les Couleurs de Base Jaune, Rouge-Magenta et Bleu-Cyan sont placées au niveau horizontal qui présente un gris clair en son centre, à l´intersection de l´axe gris. Par contre, au centre de ce plan, là où se situent les Couleurs de Base Bleu-Violet, Vert et Rouge-Orange, se trouve, à l´intersection de l´axe gris, un gris foncé. Par conséquence, on peut dire que le cube est un pas supplémentaire en direction d´un système d´ordre adéquat des couleurs. " L´ordre des couleurs Hieckethier " avait été publié en 1952, neuf années avant que Itten ne publia son livre " Art de la couleur ". Malgré cela, Itten se contenta de présenter le niveau des connaissances de l´année 1810.

Les sept contrastes de couleurs

En s´appuyant sur les considérations de son professeur Hoelzel, Itten parle des sept contrastes des couleurs, qui représentent les modes de fonctionnement caractéristiques des couleurs.

En réalité, ces contrastes ne relèvent pas de la Théorie des Couleurs, ce sont des éléments de créativité. Mais, étant donné que, souvent, ils sont entendus comme étant de la Théorie des Couleurs, voici une comparaison entre les contrastes des couleurs d´Itten et les caractéristiques esthétiques de différentiation de Küppers :

  1. En général, le mot " contraste " signifie une différence plus ou moins grande ou importante. Küppers a introduit l´expression " caractéristiques esthétiques de différentiation ", qui considère également des petites différences.
  2. Le " contraste simultané ", dont parle Itten, ne fait absolument pas partie de cette catégorie. Ici, il s´agit d´un procédé physiologique de correction à l´intérieur de l´organe visuel. C´est un aspect biologique et non esthétique.
  3. Son " contraste de quantité " n´est pas une caractéristique de différentiation esthétique, mais un élément de création, car il se réfère à la répartition des couleurs dans l´image.
  4. Son " contraste de la couleur en soi " implique toutes les différences possibles au niveau des couleurs : chromatique / achromatique ; clair / foncé ; pur / impur ; blanchi / noirci.
  5. Le " contraste clair / foncé ", spécialement souligné, correspond à la caractéristique de la luminosité.
  6. Le " contraste chaud / froid ", aussi-bien que le " contraste complémentaire " représentent des variantes de la caractéristique " Type Chromatique ".
  7. Ce que Itten désigne comme étant un " contraste de qualité ", se rapporte à l´ampleur de la chromaticité, respectivement l´achromaticité des couleurs. Küppers appelle cette caractéristique de différentiation esthétique " Degré de Chromaticité ", resp. " Degré d´Achromaticité ".

Perspectives d´avenir

L´importance de la Théorie des Couleurs à notre époque de l´information découle du fait que 80% des informations, qu´un être humain re oit, sont transmises de manière visuelle. L´information visuelle est toujours une information de couleur, car toute forme n´est aper ue que par des différences entre les couleurs, dans le champ visuel. Par conséquent, il devient de plus en plus important de transmettre les connaissances de la Théorie des Couleurs dans l´enseignement, et de l´appliquer dans le domaine de l´information.

Théorie des Couleurs dans l´enseignement

A l´heure actuelle, la Théorie des Couleurs est laissée pour compte dans la plupart des établissements de l´enseignement. Mais, de quelle discipline devrait-elle faire partie ? La Théorie des Couleurs concerne la biologie, la physique, la chimie, les mathématiques (géométrie et théorie des ensembles) ainsi que l´art. L´impact des couleurs relève de la psychologie. H. Küppers pense qu´il serait utile de créer une nouvelle discipline " sciences de l´information et de la technique des médias ". Cette discipline devrait enseigner le fonctionnement de tous les médias de communication visuelle, non seulement de l´Internet et de la télévision, mais également de la photographie et de l´impression multicolore. En plus des données techniques, on devrait enseigner les possibilités et limites de la réalisation de la couleur, de sa synthèse, de sa reproduction et de sa correction dans les médias concernés. Dans cette discipline " sciences de l´information et de la technique des médias ", la Théorie des Couleurs aurait sa juste place.

Pour l´enseignement de la Théorie des Couleurs, H. Küppers propose les conditions suivantes :

A l´école maternelle déjà, les enfants devraient apprendre la différence entre couleurs opaques (couvrantes) et transparentes. On devrait leur expliquer l´existance des 8 Couleurs de Base couvrantes, à savoir 6 chromatiques et 2 achromatiques. Et dès l´entrée en première primaire, l´enfant devrait disposer aussi naturellement d´un compas des couleurs, que d´un boitier contenant les 8 Couleurs de Base.

retour début de page